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C’EST LE VENT DE LA MER

Éliasar se mordait les lèvres et se promenait de long en large dans la cabine d’Heresa, impassible.

― Bon Dieu ! bon Dieu ! soupirait-il.

Le lendemain, dans la cabine de Joseph Krühl, occupé à se faire la barbe, le capitaine Heresa, plus soucieux que jamais, se plaignait avec amertume de la veulerie et du pessimisme d’Éliasar.

― Il est évident que le gars n’est pas très encourageant, opinait Krühl. J’aurais dû le laisser à terre avec une somme d’argent à valoir sur sa part. Cependant, vous savez, Heresa, il ne faut pas exagérer, c’est un bon petit gars dans le fond.

Heresa parti pour prendre son quart, Éliasar, la démarche nonchalante, pénétrait à son tour dans la cabine de Krühl.

― Heresa vient de sortir d’ici, geignait-il. Quelle barbe que ce bonhomme-là. Ah le cochon. Il m’a bourré le crâne toute la soirée d’hier avec ses bonnes fortunes, son élégance et les avantages physiques dont la nature l’a gratifié. Et notez que le bougre est vilain comme il n’est pas permis de l’être ; si j’avais hérité de la cinquième partie de ce qu’il nomme sa beauté, je vous assure, mon cher Krühl, que je passerais mon existence dans une cave à étudier les mœurs et les manies conjugales des champignons de couche.