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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

sur les marches, puis le panneau s’ouvrit, laissant passer la courte silhouette de Bébé-Salé qui se dirigeait péniblement vers la cambuse.

On entendait la voix du mulâtre : « Donne-moi le tako, Bébé-Salé. Allons, père Bébé-Salé, un petit coup de tako. »

La silhouette de Bébé-Salé boucha de nouveau le panneau qui se referma sur lui. Il y eut un silence. Puis le gémissement de l’accordéon de Bébé-Salé accompagna les voix étouffées des hommes qui chantaient la vieille chanson de la Côte :

Il ne garda que son couteau,
Son garde-pipe et son chapeau.
Il vente,
C’est le vent de la mer qui nous tourmente.

― Krühl a fait distribuer double ration de rhum, dit Eliasar.

― Ouais, c’est embêtant. Mais cet équipage n’est pas sans méfiance, répondit Heresa. Vous pensez bien qué ces hommes sont tous des chercheurs d’aventures. En les menant durement nous n’en ferons rien. J’aurais préféré qué Krühl né donnât pas cette habitude dé doubler à tout propos la ration réglementaire. Lé mal est fait dépuis la malencontreuse idée de hisser lé drapeau noir à la corne dé l’Ange-du-Nord. Heureusément qué j’ai Gornedouin et les hommes dans la main Car tous ils savent qué…