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LE SOLEIL DE CARACAS

s’y faire servir de l’absinthe de mauvaise qualité dans des bouteilles de marque truquées. On y boit du Champagne, du whisky et du vin, quelquefois même du vin de France.

En sachant s’y prendre, la senora vous présente des danseuses instantanément pâles d’amour pour l’étranger. Elle connaît même des actrices venues soi-disant de Paris et de belles Berlinoises brunes et d’allure cavalière.

La senora connaît toutes les adresses des ruffianes, tapies derrière leurs persiennes comme l’araignée derrière sa toile. Venant de sa part, l’étranger peut se présenter sans crainte au domicile d’une Incarnation quelconque, pâmée pour deux dollars, avec invocation de la Purissime et signe de croix au moment opportun.

Tous les ports du monde possèdent leur Pablo et leur senora, leurs bars cosmopolites, leurs rafraîchissements, leurs belles filles et leurs ruffians.

Mais au bar de l’authentique Pablo et de sa femme, la vieille senora aux cheveux d’ébène, il y a une fille que l’on appelle Conchita, ou plus familièrement Chita. Et pour trouver une danseuse aussi belle, aussi animale, aussi parfaite, aussi dorée, il est inutile de faire le tour du monde en passant par Port-Saïd, Colombo, Hanoï, et San-Francisco. Car des mulâtresses comme cette chula féline, il n’en est qu’une, et c’est Chita, la novia la plus souple, la plus sauvage et la plus servile.