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LE SOLEIL DE CARACAS

Krühl promenait donc sa massive silhouette d’homme désabusé, quand il croisa sur le quai plusieurs matelots de l’Ange-du-Nord débarquant à leur tour pour prendre contact avec les joies de la terre ferme.

En passant devant Krühl, ils saluèrent gauchement, portant la main à leurs casquettes.

Krühl reconnut parmi eux le Guatémalien Perez. Il l’appela. L’homme se hâta d’accourir.

― Tiens, fit Krühl en lui tendant une dizaine de piastres, je suis content de l’équipage, tu boiras cela à ma santé avec tes camarades et les poules que tu rencontreras.

L’homme se mit à rire niaisement.

― Tu connais le pays ? demanda Krühl.

― Si mounsié.

― Alors, qu’est-ce que c’est que cette boîte ? Krühl désignait le bar américain du senor Pablo.

― Ah ! dit Perez, c’est oune café, oune café… Il cherchait ses mots, s’exprimant mal en français. Il acheva sa pensée par un geste précis dont Krühl s’esclaffa en envoyant une bonne claque entre les deux épaules du matelot.

― Allons, va rigoler, et bonne chance.

― Good luck, sir, firent les Suédois qui accompagnaient Perez.

Krühl se fit conduire en canot par un gamin jusqu’à l’Ange-du-Nord, où il trouva Heresa et Eliasar nonchalamment allongés dans des rocking-chairs montés sur le pont. Ils fumaient