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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

Gornedouin et la bordée de terre rentraient à bord.

Gornedouin, raide comme un passe-lacets, paraissait changé en statue sous l’influence de l’alcool. Les autres matelots tanguaient effroyablement.

― Qu’est-ce qu’ils tiennent, murmura Eliasar.

― C’est la coutume, mon cher, il n’y a rien à dire. Nous allons descendre à notré tour. Nous rétrouverons Krühl qui doit traîner dans un casino quelconque, aux trousses d’une novia avec du sang dé goudron.

― Beaucoup de chances pour qu’on ne le rencontre pas à la messe. Je connais les curiosités locales que le vieux garçon aime à visiter.

Le vent apportait par bouffées les flon-flons d’une musique militaire. Des mouches lumineuses commençaient à bourdonner dans le crépuscule.

Ce fut Powler qui conduisit les deux hommes à terre. Eliasar sauta le premier sur le quai et rectifia d’un revers de main le pli de son pantalon.

― Nous irons chez Pablo, dit Joaquin. Jé parie vingt piastres qué nous trouvons Krühl attablé devant une fille et une bouteille de Champagne.

Ils allumèrent leurs cigares en se retournant sur de belles Espagnoles vêtues de piqué blanc, que des mères, aux formes opulentes, ou des