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LE SOLEIL DE CARACAS

― Comment, Bébé-Salé ?

― Naturellement, il faut faire disparaître cet homme qui gâterait tout dans l’avénir, en allant raconter des histoires ridicules. S’il n’avait ténu qu’à moi, Bébé-Salé n’aurait jamais mis les pieds sur l’Ange-du-Nord.

― Bon Dieu ! Ça se complique, s’écria Eliasar.

― Jé mé chargerai dé Bébé-Salé ; vous voyez commé jé suis gentil.

Eliasar ne tenait plus en place. Il se balançait d’une jambe sur l’autre, mâchait fiévreusement son cigare éteint.

― C’est tout de même une sacrée partie. Et si je mène l’aventure à notre honneur, vous reconnaîtrez qu’il faut être un homme pour conclure une telle affaire.

Il sortit son couteau de sa poche, l’ouvrit d’un coup sec sur l’anneau et le planta dans la table avec une violence qui fit trembler la lame.

― Ça c’est du théâtre, dit Heresa sans s’émouvoir.

― Si vous voulez, mon gros, répondit Eliasar en remettant son arme dans la poche de son pantalon, mais n’oubliez pas que si je joue le rôle principal dans ce drame, l’autre grand rôle n’en est pas moins rempli par un mec qui tient debout. Vous entendez, mon petit vieux, je me donne gratuitement le conseil de ne pas le rater.

À ce moment, on entendit la voix de Perez qui accostait avec le youyou de l’Ange-du-Nord.