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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

cendit dans la cambuse. On l’entendit amarrer ses casseroles et caler confortablement le tonneau de rhum.

― Ah, dit Gornedouin, avec l’Ange-du-Nord, je ne crains rien, car ce bâtiment tient la mer, comme peu de bâtiments le pourraient.

On ne sentait pas un souffle d’air et la mer sournoise clapotait autour du petit voilier.

Soudain une légère brise venue du sud-est fit claquer les voiles distendues.

Sur un ordre du capitaine, chacun fut à son poste dans les vergues et l’on s’apprêta à diminuer la voilure pour tenir tête à l’orage qui s’annonçait.

Un éclair illumina la nuit, subit comme l’éclatement d’une énorme cartouche de magnésium : la mer commença à moutonner et l’Ange-du-Nord dansa sur place.

Dans la cabine de Krühl on entendait hurler Chita que l’orage rendait malade de terreur.

― Fermez les écoutilles, hurla le capitaine, cé né pas lé moment d’entendre gueuler cette taupe-là !

Powler se précipita sur les écoutilles. Le vent qui soufflait de plus en plus fort et la violence du ressac venant battre les flancs de l’Ange-du-Nord couvrirent les gémissements de la fille que Krühl cherchait à apaiser.

L’Ange-du-Nord montait à l’assaut des vagues. Le vent soufflait, clouant les hommes contre les haubans.