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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

tait les commandements. Et le vent claquait dans les voiles, qui cédèrent. Les gabiers escaladèrent la mâture et l’on vit les trois Suédois cramponnés à la vergue pour atteindre le grand hunier.

C’est alors que le vent frappa plus furieusement l’Ange-du-Nord, étourdi sous les coups, comme un boxeur défaillant subit la force intelligente et précise de son adversaire. Des détonations formidables ébranlèrent la mâture.

Powler gémissant recommanda son âme à Dieu. Il larmoyait, se tordait les mains, se frappait la tête contre le plancher du pont. Les matelots écœurés le regardaient en haussant les épaules.

Le capitaine Heresa prit son pistolet et le braqua dans la direction du mulâtre. Ce geste fit l’effet d’un puissant cordial. Powler se releva et reprit son poste parmi les gabiers.

L’Ange-du-Nord ballotté dans les ténèbres escaladait des lames hautes comme des montagnes pour redescendre dans une chute vertigineuse, explorant les abîmes insondables que la mer entr’ouvrait sur sa route.

Krühl, remonté sur le pont avec Chita dont les dents grinçaient de terreur, regardait anxieusement le capitaine dont la figure tirée par la fatigue ne reflétait aucune émotion.

Il voulut appeler. Les hurlements de la tempête emportèrent le bruit de sa voix.