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CHITA

― Mes vieux, mes vieux copains ! bégaya Krühl en regardant Eliasar et Joaquin Heresa.

Eliasar, les mains baissées devant ses yeux, scrutait la rive bordée de sable fin qui s’étalait comme un large croissant d’or.

― Ah, dit Krühl en embrassant Chita furieusement, c’est toi, belle gosse qui nous as porté bonheur. Tu auras des perles et des diamants, des diamants et des perles, entends-tu, ma fille ?

Chita leva vers le Hollandais ses beaux yeux et son front pur de bête ignorante. Elle rit, découvrant largement ses gencives roses et ses dents merveilleuses.

L’Ange-du-Nord dérivait toujours en suivant le courant qui semblait enfermer l’île dans une boucle.

Le ciel s’assombrissait de nouveau. De gros nuages noirs se poursuivaient, s’atteignaient pour se souder les uns aux autres. L’atmosphère donnait à l’île, en simplifiant les plans, l’aspect d’une image luxueusement enluminée.

C’était d’abord la grève dorée, puis une jolie prairie d’un vert délicat et remontant vers la frise violette et bleue des petites collines, des bandes de terre rouge, posées çà et là, comme des pièces dans le vert éclatant des prairies. Sur le fond rouge des terres, des arbres se découpaient précieusement ; des arbres aux troncs puissants qui dressaient leur feuillage en bouquets, tels d’énormes salades, le déployant en