Sa fortune lui aurait permis largement de s’installer dans une fastueuse villa du Pouldu, de Pont-Aven ou de Concarneau. Il préférait la médiocrité colorée des auberges à matelots, la mélancolie des promenades sur la lande, la joie sensuelle des pardons, les orgies de cidre doux, au retour des bonnes journées de pêche. Krühl lisait beaucoup. Dans sa petite chambre qui donnait sur la jetée, il avait réuni quelques volumes qui relataient les hauts faits des pirates, de ces gentilshommes de fortune dont le pavillon noir symbolique hantait ses insomnies.
Les mémoires d’Œxmelin ne gardaient plus de secrets pour lui. Son imagination facile lui permettait d’évoquer, avec une précision absolue, les soirs de bataille au large de la Vera-Cruz ; les pendaisons décoratives ; la vie tumultueuse des bouges exotiques ; les nuits ardentes des tropiques que des éclairs de chaleur traversaient comme de rapides coups de couteau un soir de risques.
Il recherchait les traces d’un passé si rare sur les figures hâlées des matelots thoniers venus de Groix ou de Concarneau.
Un élégant dundee tendant ses deux lignes comme des bras ouverts le plongeait dans le désordre pittoresque de ses réminiscences les plus inattendues.
Cet homme d’une honnêteté scrupuleuse n’était honnête que dans ses rapports avec la