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LA CAVERNE DES BOÎTES À SARDINES

mal à la tentation de jaillir sur le sol, comme deux billes d’agate.

Krühl lui tapa dans le dos avec cordialité. On déboucha une bouteille de champagne dont le bouchon sauta en claquant comme un coup de feu.

Le couvert resta muet.

― J’ai entendu remuer quelque chose, s’écria Krühl.

― Non c’est moi, avec mon couteau, répondit Joaquin Heresa.

Krühl, désappointé, tendit encore l’oreille dans toutes les directions.

― Je n’entends rien, soupira-t-il, rien, rien. C’est le silence, le plus mortel de tous les silences.

― Ce qui m’épate, déclara Eliasar à son tour, c’est en effet de ne pas avoir aperçu un oiseau sur cette île. Je l’avais remarqué déjà, hier avant de débarquer.

Les matelots s’étaient rapprochés du groupe formé par Krühl et ses deux camarades. Ils écoutaient et leur visage exprimait une crainte enfantine, avec comme un désir éperdu d’entendre raconter des histoires, et, naturellement, des histoires peu rassurantes.

Krühl se leva le premier, secoua ses épaules et passa sa carabine en sautoir. « Allons, encore un peu de courage. »

On reprit la marche sous bois. Les six hommes foulaient la terre rouge où des racines gigan-