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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

imitation de baobab afin de souffler un peu et d’absorber un repas froid dont ils avaient pris soin de garnir leurs musettes.

― Ah bien ! fit Eliasar la bouche pleine, le respectable forban a su choisir sa cachette. Je ne connais rien de plus répugnant que cet Eldorado pour poète de bas étage.

― Avez-vous remarqué, déclara le capitaine, qué nous n’avons pas rencontré un seul oiseau, pas une seule bête, pas un petit serpent, pas même un petit moustique. Jé n’aime pas les îles si désertes. Quand nous aurons découvert le trésor (il baissa la voix pour ne pas être entendu des matelots), nous hisserons toute la toile qué l’Ange-du-Nord peut porter et nous irons chercher une hospitalité sur une terre comme toutés les terres, avec des oiseaux, des lapins, des mouches et des moustiques.

― C’est pourtant vrai, fit Krühl, nous n’avons pas rencontré une seule bête sur notre route. Et pas un oiseau dans le ciel. Cette île est véritablement déserte. Sa végétation trompeuse cache la désolation la plus absolue. Avant de partir je ferai hisser sur une cime le pavillon noir des gentilshommes de fortune, et ceux qui nous suivront sur cette terre inhospitalière auront le loisir de rêver à des sujets d’une troublante perversité.

Eliasar s’étrangla avec une bouchée de biscuit. Il devint violet et ses yeux parurent résister