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LES MAÎTRES DE L’ILE

amputé. Ses mains étaient coupées aux poignets. Il lui manquait la jambe droite, la gauche paraissait désarticulée aux genoux. Elle pendait inerte. L’homme la traînait sur le sol comme un boulet.

Krühl et ses compagnons regardaient la misérable loque humaine, dont les yeux blancs roulaient dans une face noire qui reflétait la terreur la plus abjecte.

― Je n’ose pas y toucher, fit Krühl en salivant de dégoût.

Eliasar tenta de se faire comprendre du monstre en l’interrogeant par signes. Mais quand il essaya d’ébaucher un geste dans la direction du nègre rampant, le misérable se mit à aboyer de terreur.

Les cinq hommes pétrifiés se regardèrent.

― Tais-toi, Mujer ! cria Heresa en se bouchant les oreilles.

― Laissons-le ! dit Eliasar, le malheureux ne se sauvera pas bien loin. Il doit y avoir des hommes sur cette île, et quels hommes ! Regardez, l’entrée de la caverne est encombrée de boîtes de conserves vides. Il faut explorer cette caverne. Si les habitants de cette petite Cocagne sont copiés sur le modèle de cet échantillon, ils ne sont pas beaux à contempler, mais il faut avouer qu’ils semblent peu dangereux.

Il regarda le nègre qui se roulait sur le sol.

― Comment voulez-vous que cette chose-là