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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

― Employons la douceur et la patience, conseilla Krühl qui voyait l’espérance refleurir devant lui.

Le dîner fut morne. Eliasar paraissait accablé. Heresa de mauvaise humeur se taisait, tournant le dos à Chita qui, les mains nouées autour de ses genoux, fumait de longues cigarettes qu’elle roulait elle-même avec une prodigieuse habileté.

― Vous n’avez toujours pas dévoilé ce que vous savez sur le fameux Chinois, interrogea Krühl en s’adressant au Russe.

― Ah ! vous y revenez, répondit Oliine avec satisfaction… Pour ma part, je ne me sentirai capable de raconter une histoire avec distinction que lorsque je serai en sécurité sur votre bel Ange-du-Nord ou plus exactement quand nous aurons mis un continent entre nous et cette île de malédiction. En somme, mon cher monsieur, le Chinois est un homme simple et par cela même beaucoup plus épouvantable que tout ce que vous pouvez imaginer.

Il sortit de la poche de son pantalon une enveloppe de papier jaune. Il l’ouvrit et étala sur la table une série de photographies représentant, dans toutes ses phases, le supplice des cent morceaux.

Le patient, comme en extase, bourré sans doute d’opium, découvrait ses dents serrées dans une grimace qui ressemblait à un sourire de jouissance. Il avait déjà perdu un bras, ses