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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

paraît-il, servi de sujet d’expérience dans cette île même, mais il y a longtemps. Depuis une dizaine d’années, le Chinois n’opère plus sur l’île. Il vient chercher ses patients, les emmène dans son vapeur et les débarque en Chine. J’ai eu, par l’Annamite qui est revenu de là-bas sans oreilles et sans nez, des révélations suggestives et littéraires, touchant certaine ville de Chine, d’un chic, d’un pittoresque et d’un goût — il arrondit sa bouche en cul de poule — une cité d’art dont nous ne pouvons nous faire une idée avec nos principes d’Européens et notre imagination bornée. Bref, une véritable bonne fortune pour les touristes et les amateurs d’émotions.

Oliine regarda tout le monde, prit une cigarette dans la boîte d’Eliasar et baissant légèrement la voix, il reprit : « Figurez-vous une ville très ancienne, dans une partie de la Chine encore inexplorée, dans un cadre admirable où les premiers horticulteurs du monde se sont concurrencés pour le régal des yeux. Cette ville, naturellement, est close. Pas de concessions européennes, pas de consulats, pas de balivernes philanthropiques, pas de duperie, mais de bons Chinois conservés dans l’opium et des coutumes étourdissantes : de quoi écrire un livre, des livres. Pour moi l’évocation de cette cité est en vérité, assez facile, puisque j’ai vécu dans le pays : pour vous autres, j’avoue que l’image réelle de cette ville sans nom doit paraître un peu excessive. Ce