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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

lisés, la peine de mort existe. La différence entre ce pays et ceux d’Europe tient en ce fait que le condamné, sa peine une fois prononcée, est libre de choisir son supplice et ses exécuteurs.

« La mise à mort du condamné n’est pas un monopole d’État, mais bien une industrie privée. Vous pouvez, moyennant un prix assez variable, choisir une exécution capitale de première classe avec échafaud dominant la foule, garde d’honneur, musique militaire et acclamations populaires. Beaucoup de condamnés à mort n’hésitent pas devant les grands frais d’une exécution de première classe. Ils agissent ainsi pour la famille, vous comprenez. Les pauvres sont exécutés aux frais de l’État sans trompettes ni cymbales, et personne ne se dérange pour les voir.

« Il résulte de cette coutume une merveilleuse émulation dans la corporation des bourreaux. Les bourreaux, m’a dit l’Annamite, tiennent boutique dans les quartiers les plus selects : des boutiques étincelantes avec des vitrines, des dactylographes, des caissiers et un gérant responsable.

« Dans les vitrines, illuminées dès la tombée de la nuit, les yeux des oisifs et des clients sont amusés par les modèles reproduits par des peintres habiles des plus belles exécutions capitales dont le propriétaire de la maison puisse s’enorgueillir. Les prix sont affichés en gros carac-