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LE CHINOIS

Chita demi-nue, la robe déchirée en lanières, luttait silencieusement mais avec férocité contre le nègre monstrueux. Le misérable, cramponné à sa taille, s’efforçait de la courber vers le sol en l’attirant à lui, et Chita, une main appuyée sur la face de l’amputé, essayait de crever avec ses ongles déjà ensanglantés les yeux vitreux du frénétique. Le nègre tenait étroitement enserrée entre ses deux moignons la taille souple de la chula. Il soufflait comme un boulanger pétrissant le pain.

D’un bond, Joseph Krühl fut sur le groupe. Il tenta de dénouer l’étreinte du nègre en lui tordant les bras ; le misérable se retourna et lui mordit la main. Krühl osait à peine toucher l’infâme créature. Chita, essoufflée, les flancs soulevés, faiblissait. Elle tomba sur les genoux, roula sur le sol, maintenue par le nègre rampant. Alors Krühl prit son pistolet, l’appuya sur la face lubrique de l’agresseur et pressa la gâchette de l’arme. L’homme se tordit comme une pieuvre trouée par une fourche ; ses membres mollirent, et subitement il mourut, secoué de deux ou trois spasmes. Ratatiné sur le sol, il paraissait étrangement diminué et perdait toute proportion humaine. Chita se releva et, de toutes ses forces, lança un coup de pied dans les gencives retroussées du nègre dont les dents blanches se couvrirent d’une mousse sanglante.

Krühl, prenant la fille par un poignet, la