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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

noix. Puis-je vous garantir qu’à deux cents ans de distance, un paysage doit rester ce qu’il était quand cette carte a été dessinée. La forêt est à notre gauche… Et puis, je commence à en avoir assez : depuis plusieurs jours vos manières commencent à m’échauffer les oreilles. Encore un mot et je rentre, vous découvrirez votre trésor comme vous l’entendrez.

Krühl baissa la tête, se gratta le nez et, vexé, se tut.

― Allons, ce n’est pas le moment de se fâcher reprit-il, après un long silence. Le trésor se trouve peut-être sous nos pieds, cependant que nous nous chamaillons comme de mauvais camarades. »

Le mot camarade excita sa sentimentalité. Il continua : « Nous sommes des camarades et nous devons agir franchement. Pardonnez-moi mon accès de mauvaise humeur. »

Heresa et Samuel Eliasar ne répondirent pas. On se remit en marche. Krühl tenait toujours la tête du groupe.

Les cinq hommes atteignirent assez facilement le lit du torrent desséché. Les cailloux et les rochers mal équilibrés les uns sur les autres rendaient la route difficile. Krühl geignait et jurait le nom de Dieu sous toutes les formes connues. Une sorte de sentier, ou plutôt une brèche dans la brousse, gravissait à droite le flanc du ravin dont l’arête se perdait dans une forêt de chênes-lièges. Sur les conseils de Krühl, dont les che-