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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

dont les ronces agressives protestèrent contre l’invasion d’un corps humain lancé à toute allure.

Essoufflé, la main gauche crispée à son flanc qu’une douleur aiguë pénétrait, il glissa sur les talons, sentit confusément des pierres se détacher sous ses pieds ; des lianes s’accrochèrent à ses vêtements, il put en attraper une à pleine main. Eliasar eut nettement la perception que le vide s’étalait sous lui et qu’il n’était plus retenu que par cette liane. Il comprit parfaitement que la brûlure qu’il ressentait à la main provenait du glissement rapide de sa main le long de la liane. Cette demi-seconde sembla s’éterniser et Eliasar essaya de nouer son poignet quand il eut la conscience absolue que sa main atteignait l’extrémité du fil. La liane craqua d’un coup sec. Le jeune homme, suffoqué par le vide, dégringola comme un mannequin.

Sur le quai de Belon, en compagnie de Bébé-Salé et de Boutron, qu’une période d’abstinence rendait à peu près gâteux, M. Joseph Krühl, la casquette en arrière et le col de son maillot vert tiré jusqu’aux oreilles, car le froid pinçait un peu, discutait sur son canot que la marée montante ballottait au bout de son amarre.

― Je lui mettrai, expliquait-il entre deux