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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

― Vous êtes tous les deux des imbéciles, déclara Krühl conciliant. À toi de donner, Pointe.

― Et ce roman, ça marche ? demanda Krühl, tandis que Désiré battait les cartes.

― Ça vient, mon vieux, j’en suis content. Vous savez, je me suis servi de l’histoire de la lande et de Marie du Faouët.

― Oui, ça peut donner un résultat.

― J’ai fait un croquis de Marie du Faouët, je vous en ferai cadeau, dit Pointe.

Eliasar fit trois parties et, malgré les protestations de Krühl et du peintre qui le couvrirent d’imprécations, il monta dans sa chambre et s’enferma.

Il entendit Krühl crier en passant avec Pointe sous sa fenêtre : « Au revoir, Eliasar, on va chez Marie-Anne ! »

― Allez donc au diable ! si vous y tenez, grommela Samuel, puis il s’assit devant sa table, sortit une plume, de l’encre, deux ou trois flacons mystérieux et un pinceau.

Pendant plus de trois heures il s’absorba dans une hermétique besogne qui se termina sans doute à sa sincère satisfaction, car il ne put s’empêcher de sourire, tout en esquissant dans la plus stricte intimité quelques gestes saugrenus appartenant à une chorégraphie assez vulgaire.

― Maintenant, murmura Eliasar en contemplant son œuvre, sa bouteille d’encre et son pinceau, il ne nous reste plus qu’à faire disparaî-