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LE LIVRE DE LA FORTUNE.

façon, ça ne me dit rien d’y retourner. Ce n’est pas drôle, il n’y a pas un chat et la petite Américaine est partie pour Paris avec la Suédoise. Dans ces conditions, je ne vois pas très bien ce que nous pouvons faire là-bas.

― J’offre un déjeuner, insista Krühl.

― Allons, venez, fit Pointe engageant.

Eliasar se laissa tenter, décrocha sa canne, et les trois amis prirent allègrement la route. Krühl frappait les ajoncs à grands coups de pen-bas.

― Il faut que j’aille en ville, expliquait-il. J’ai des achats à faire. Et puis j’irai fouiner dans les bouquins de la mère Gadec, l’antiquaire.

― Elle a des choses intéressantes ? s’enquit Eliasar.

― Bouh ! bouh ! peuh ! Oh… ma foi, pas grand’chose, je n’ai jamais rien trouvé.

― J’ai trouvé une fois, dit Pointe, les œuvres complètes de Voltaire avec de jolies gravures… Je ne sais combien elle en demandait.

― Elle vend cher ? interrogea Eliasar.

― Oui et non. Elle ne sait même pas ce qu’elle a. Elle n’a jamais l’air de reconnaître ses livres. Elle vend sa marchandise à la tête du client.

― Elle connaît bien la faïence, dit Pointe.

― Oui, répondit Krühl en faisant la moue.

― Je suis allé chez elle, la semaine dernière, pour acheter un dictionnaire d’occasion. Elle n’en avait point.