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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

― Ça ne m’étonne pas. Il fallait aller à la grande papeterie.

― C’est ce que j’ai fait, répondit Eliasar.

En passant par Belon, les trois amis s’arrêtèrent chez Boutron. On prit un coup de vin blanc. Krühl n’aimait pas le cidre avant d’avoir mangé.

― Ça sent le printemps, disait Krühl en humant l’air comme un chien de chasse.

En traversant Riec, Pointe salua de la main et adressa quelques petits signes coquins à de jolies filles en coiffe dont le cou délicat émergeait d’une collerette de lingerie minutieusement godronnée.

― Ah ! monsieur Pointe ! monsieur Pointe ! s’esclaffaient les élégantes Bretonnes.

― Tiens, la petite, là-bas, pas la troisième, celle qui a un tablier mauve, c’est la fille à Le Chaluz.

― Pas possible, disait Krühl. Elle est bien chaussée.

― Oh ! elle a été en place à Paris.

La coquette petite ville de Pont-Aven, dépouillée de ses peintres étrangers et de ses baigneurs cosmopolites, étalait ingénument ses décors d’opérette.

― On pense au Petit-Trianon de Versailles, dit Eliasar.

― Quand j’avais dix ans, fit Krühl, j’ai aimé une ville comme on aime une femme. Aujour-