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Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/118

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— Quand on vient comme moi de voir la mort de près…

— Si la bête s’était emportée avec vous, il est certain que… Mais avec l’aide du ciel, vous voyez qu’il ne vous est rien arrivé.

Je tirai de ma valise un vieux gilet dans la bourse duquel je gardais les cinq monnaies d’or. Mais ce faisant, je me demandai si la gratification n’était pas excessive, et si deux pièces ne seraient pas suffisantes. Pourquoi même deux ? Une seule ferait sauter de joie le pauvre diable, dont j’examinais la tenue, et qui n’avait probablement jamais vu une pièce d’or de sa vie. Ma résolution prise, je tirai la pièce que je vis reluire au soleil. Le muletier ne l’aperçut point parce que je lui tournais le dos. Mais il se douta sans doute de quoi il s’agissait, car il commença à faire à l’âne des discours significatifs. Il lui donnait de bons conseils, lui disant de se mieux comporter, sans quoi, « M. le Docteur » pourrait bien lui donner une raclée. C’était un monologue paternel. J’entendis même le bruit d’un baiser.

— Qu’est cela ? dis-je.

— Que voulez-vous !… ce diable d’animal