Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mière boutique que je trouve. C’était un taudis ou guère mieux, obscur et poussiéreux.

Au fond, derrière le comptoir, se trouvait assise une femme, dont le visage jaune et crevassé de petite vérole n’appelait pas tout d’abord l’attention. Mais sitôt qu’on l’observait, elle offrait un spectacle curieux. Elle ne pouvait avoir été laide ; au contraire, on voyait tout de suite qu’elle avait dû être jolie, et même fort jolie. Mais la maladie et une vieillesse précoce lui avaient enlevé tous ses charmes. Elle était horriblement grêlée. Les traces des boutons formaient des hauts et des bas, des creux et des reliefs, et donnaient l’impression d’une peau de chagrin extrêmement rugueuse. Les yeux conservaient quelque beauté, mais l’expression en était étrange et désagréable, qui s’adoucit pourtant dès que je commençai à parler. Quant aux cheveux, ils étaient roux et presque aussi poussiéreux que les portes de la boutique. À l’un des doigts de la main gauche, un diamant étincelait. Le croira-t-on dans la postérité ? cette femme, c’était Marcella.

Je ne la reconnus point tout d’abord. Mais elle me remit aussitôt que je lui adressai la pa-