Aller au contenu

Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

contentement. Il éleva le papier au-dessus de sa tête, et l’agita avec enthousiasme.

In hoc signo, vinces ! s’écria-t-il.

Ensuite il baisa le billet, avec des airs de tendresse et une si bruyante expansion que j’en éprouvai à la fois de la pitié et du dégoût. Il n’était point sot, et devina la nuance : il devint sérieux, grotesquement sérieux, et s’excusa de sa gaîté, gaîté d’un pauvre diable qui depuis nombre d’années ne voyait pas la couleur d’un billet de cinq milreis.

— Il ne tient qu’à vous d’en posséder bien d’autres.

— Vraiment ? fit-il en faisant un saut de mon côté.

— Vous n’avez qu’à travailler.

Il fit un geste de dédain, demeura un instant sans parler, puis me déclara positivement qu’il ne voulait rien faire. J’étais écœuré de cette abjection si tristement comique, et je me levai pour partir.

— Vous ne partirez pas sans que je vous enseigne ma philosophie de misère, me dit-il en se plantant devant moi.