Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/266

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— Te tairas-tu ? disait le fouetteur.

Je m’arrêtai par curiosité… Juste ciel ! que vis-je ? C’était Prudencio, mon petit valet Prudencio, affranchi quelques années auparavant par mon père, et qui exerçait en ce moment son autorité et sa fureur. Je lui demandai si le nègre qu’il battait était son esclave.

— Oui, Monsieur.

— Que t’a-t-il donc fait ?

— C’est un fainéant et un ivrogne. Je lui avais confié la boutique, tout à l’heure, pendant que j’allais en ville ; et il a tout abandonné pour aller boire chez le mastroquet.

— Allons ! pardonne-lui, dis-je.

— Comment donc, maître ! Vos désirs sont des ordres. Rentre à la maison, ivrogne.

Je sortis du groupe, où l’on me regardait avec stupéfaction tout en faisant des conjectures. Je poursuivis mon chemin en déroulant une infinité de réflexions, dont je regrette d’avoir perdu le souvenir. C’eût été matière à un chapitre intéressant et probablement assez gai, comme je les aime : c’est même un faible chez moi. À première vue, l’épisode était ignoble. Mais en l’approfondissant, en y mettant le bis-