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Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/56

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le regard de Bonaparte, ce qui déplut à mon père. Mon oncle Ildefonso, alors simple prêtre, devinait en moi un futur chanoine.

— Il sera au moins chanoine ; je ne dis pas plus, pour ne point paraître orgueilleux. Mais je ne serais pas surpris si Dieu le destinait à l’épiscopat. Et pourquoi, après tout, ne serait-il pas évêque ! la chose n’est pas impossible. Qu’en dites-vous, Bento, mon frérot ?

Mon père répondait à tous que je serais ce qu’il plairait au ciel. Et il me soulevait en l’air comme s’il eût eu l’intention de me montrer à la ville et à l’univers. Il demandait à tout le monde si je lui ressemblais, si j’étais joli, si je paraissais intelligent.

Je raconte ces choses en gros, et telles que l’on me les a narrées plus tard. J’ignore naturellement la plupart des faits de ce jour mémorable. Je sais que les voisins vinrent en personne ou envoyèrent leurs souhaits au nouveau-né, et que pendant les premières semaines, ce fut un défilé de visites à la maison. Toutes les chaises étaient prises, et jusqu’au moindre tabouret. On tailla force layettes. Si je n’énumère point les cadeaux, les baisers, les exclamations et les