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Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/67

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contre le Corse, et nos autres parents étaient partagés d’avis. De là naissaient de fréquentes controverses et d’éternelles discussions.

Lorsque la nouvelle de la première abdication arriva à Rio-Janeiro, il y eut naturellement chez nous une vive émotion, mais aucun brocard. Les vaincus, témoins de la satisfaction publique, se maintinrent dans un silence plein de dignité. Quelques-uns même virèrent casaque et battirent des mains. La population, franchement satisfaite, donna des signes évidents de son attachement à la famille royale. On illumina ; on chanta le Te Deum, on tira des salves, on organisa des manifestations et l’on se répandit en acclamations. Ce jour-là, j’étrennais une petite épée dont mon parrain m’avait fait présent à la Saint-Antoine ; et franchement, cette épée m’intéressait bien autrement que la chute de Bonaparte. Jamais je n’ai oublié cette circonstance : j’ai toujours pensé depuis que, pour chacun de nous, notre petite épée a bien plus d’importance que celle de Napoléon. Notez qu’au cours de mon existence j’ai entendu bien des discours, lu bien des pages où bruissaient de grandes idées et de plus grandes phrases, mais