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Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/68

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je ne sais trop pourquoi, par derrière les applaudissements qui s’échappaient de mon âme, j’entendais une voix lointaine me répéter cette leçon de l’expérience :

— Allons donc ! tu ne penses qu’à ton épée.

Ma famille ne se contenta point de prendre une part anonyme à la joie publique ; elle jugea opportun et même indispensable de célébrer la destitution de l’empereur par un dîner tel que l’écho des acclamations et des toasts arrivât aux oreilles de Son Altesse, ou tout au moins de ses ministres. Aussitôt fait que dit : on retira des armoires toute la vieille vaisselle plate, héritage de mon aïeul Louis Cubas ; et aussi les serviettes de Flandre et les grands vases des Indes. On égorgea le cochon gras ; les compotes et les confitures furent commandées aux commères de la rue d’Ajuda ; on lava, on frotta, on polit le plancher des salles, les escaliers, les bougeoirs, les bobèches, larges manchons de verre, tout l’appareil du luxe classique.

À l’heure dite, une société choisie se trouva réunie : le juge provincial, trois ou quatre officiers militaires, quelques commerçants et