Page:Machado de Assis - Mémoires posthumes de Bras Cubas.djvu/87

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me donnait tout ce que je lui demandais, sans reproches, sans retard, sans froideur. Il disait qu’il faut que jeunesse se passe, et qu’il avait été jeune comme moi. Pourtant, j’abusai tant et tant, qu’il resserra peu à peu les cordons de sa bourse. J’eus alors recours à ma mère, qui trouvait moyen de me glisser quelque argent en cachette. C’était peu. Aux grands maux les grands remèdes : j’escomptai l’héritage paternel, je signai des lettres, sans échéance précise, et à des taux usuraires.

En vérité, disait Marcella, quand je lui apportais des soieries ou des bijoux, il faut que je me fâche. A-t-on jamais vu… un cadeau de cette valeur !…

Et s’il s’agissait d’un bijou, elle le contemplait entre ses doigts tout en proférant ces paroles ; elle l’examinait à la lumière, en essayait l’effet sur elle, et elle me couvrait de baisers impétueux et sincères. En dépit de ses protestations, la joie coulait dans ses regards, et je me sentais satisfait de la voir ainsi. Elle aimait particulièrement nos anciens doublons d’or, et je lui en apportais autant que j’en pouvais trouver. Marcella les enfermait tous dans un coffret de fer dont