Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/104

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péfaite de son acte, sans que ses regards se fixassent sur rien. Elle tendait l’oreille, allait jusqu’au bout du corridor, écoutant si quelque rumeur lui annoncerait le réveil d’Ignace ; et ce ne fut qu’au bout d’un certain temps que, peu à peu, sa peur se dissipa. En réalité l’enfant avait le sommeil dur. Rien ne lui faisait ouvrir les yeux : ni les vacarmes contigus, ni les baisers pour de vrai. Mais si la crainte disparaissait, la contrainte demeura et grandit. Dona Severina ne pouvait croire qu’elle eût fait cela. Il lui semblait que ses désirs s’étaient confondus avec cette idée qu’il s’agissait d’un enfant amoureux, qui se trouvait là sans conscience ni volonté ; et moitié mère, moitié amie, elle s’était inclinée et l’avait embrassé. Quoi qu’il en fût, elle était confuse, irritée, ennuyée, fâchée contre elle-même et contre lui. La pensée qu’il avait pu feindre de dormir s’éveilla dans son âme, et lui donna le frisson.

Mais, en réalité, il dormit longtemps encore et ne s’éveilla qu’à l’heure du dîner. Il s’assit joyeux à table, bien que dona Severina se montrât silencieuse et sévère, et que le procureur fût aussi rude que les autres jours. Ni la sévé-