Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rité de l’un, ni la rudesse de l’autre ne pouvait dissiper la vision gracieuse qu’il portait encore en lui, ni étouffer la sensation du baiser. Il ne remarqua pas que dona Severina portait un châle qui lui cachait les bras : cette remarque, il ne la fit que plus tard, le lundi, le mardi aussi et jusqu’au samedi, jour où Borges fit dire à son père qu’il ne pouvait le garder. Et ce fut fait sans fâcherie, Borges le traita même relativement bien, et lui dit au moment du départ :

— Quand vous aurez besoin de moi pour quoi que ce soit, venez me trouver.

— Oui, Monsieur, dona Severina…

— Elle est en ce moment dans sa chambre, avec un violent mal de tête. Venez demain ou après-demain lui faire vos adieux.

Ignace partit sans rien comprendre : ni le congé définitif, ni le complet changement d’attitude de dona Severina à son égard, ni l’usage du châle, rien. Il était si bien ! elle lui parlait de si bonne amitié ! Comment est-ce que tout à coup… À force de se creuser la tête, il finit par supposer que quelque regard indiscret, quelque distraction l’avait offensée ; ce ne pouvait être autre chose ; de là son visage irrité et le châle