Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/151

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puis, vers la fin du mois, il n’y eut plus d’espoir de sauver la malade. Jamais je ne vis une créature plus énergique devant une catastrophe imminente ; elle était alors d’une maigreur transparente et presque fluide ; elle riait, ou plutôt souriait doucement et, voyant que je cachais mes larmes, elle me serrait les mains avec reconnaissance. Un jour, se trouvant seule avec le médecin, elle l’adjura de lui dire la vérité. Il allait mentir ; elle protesta que c’était inutile, qu’elle se sentait perdue.

— Perdue, non, murmura le médecin.

— Jurez.

Il hésita ; elle le remercia. Une fois certaine de sa fin, elle ordonna ce qu’elle s’était promis à elle-même.

— Elle s’est mariée avec vous, je parie.

— Ne me rappelez pas cette triste cérémonie ; ou plutôt laissez-moi m’en souvenir, pour qu’elle m’apporte comme une haleine du passé. Elle n’accepta de ma part ni refus ni excuse. Je l’épousai à deux doigts de la mort. Ce fut le 18 avril 1859. Je passai les deux derniers jours, jusqu’au 20 avril, au pied du lit de ma fiancée agonisante, et je l’embrassai pour la première