Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/210

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tu chanteras, et seras Sapho. Et un jour, s’il plaît à Dieu de descendre sur la terre, tu le recevras dans ton sein, et tu t’appelleras Marie de Nazareth. Que te faut-il encore ? Royauté, poésie, divinité, tu préfères à tout cela une stupide obéissance. Ce n’est pas tout encore. La nature te fera belle, et chaque fois plus belle. La couleur des feuilles vertes, les nuances du ciel bleu, nuances vives ou pâles, les couleurs de la nuit se réfléchiront dans tes yeux. La nuit même, rivale du soleil, viendra se jouer dans ta chevelure. Les fils de ta chair tisseront pour toi les meilleurs vêtements, composeront les plus délicats arômes, et les oiseaux te donneront leur plumage, et la terre ses fleurs, tout… tout… tout…

Ève écoutait impassible ; Adam survint, interrogea, et confirma la réponse d’Ève. Rien ne pouvait compenser la perte du Paradis, ni la science, ni la puissance, aucune autre illusion terrestre. Ce disant, ils se donnèrent la main, abandonnant le serpent, qui courut rendre compte de sa mission au Malin.

Dieu, qui avait tout entendu, dit à Gabriel :

— Va, mon archange, descends dans le Pa-