Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/224

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porte, dans l’espoir d’entendre un gémissement, une parole, une injure, n’importe quoi qui signifiât la vie et me rendît la paix de la conscience. J’étais prêt à m’incliner sous les coups du colonel, dix, vingt, cent fois. Mais rien, rien ; tout se taisait. Je recommençais à marcher au hasard dans la salle, je m’asseyais, je me prenais la tête dans les mains. Je me repentais d’être venu. « Maudite l’heure où j’acceptai un semblable emploi ! » m’écriais-je. Et j’injuriais en moi-même l’abbé de Nitheroy, le médecin, le vicaire, ceux qui m’avaient obtenu cette place, et ceux qui m’avaient demandé d’y rester encore quelque temps. Je me raccrochais à la complicité d’autrui.

Comme le silence finissait par m’affoler, j’ouvris une fenêtre, pour écouter le bruit du vent, si par hasard il ventait. La nuit était tranquille, les étoiles resplendissaient, avec l’indifférence de personnes qui retirent leur chapeau au passage d’un enterrement et continuent à parler d’autre chose. Je m’accoudai pendant quelques instants, enfonçant mon regard dans la nuit, cherchant à récapituler ma vie pour essayer d’échapper à la douleur pré-