Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/226

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Ma première pensée fut de m’en aller immédiatement, sous le prétexte que mon frère était malade ; et en réalité j’avais reçu une lettre de lui, peu de jours auparavant, lettre dans laquelle il me disait qu’il allait mal. Mais je réfléchis que mon départ subit pourrait éveiller des soupçons, et je restai. Moi-même j’ensevelis le cadavre, avec l’aide d’un nègre vieux et myope. Je ne sortis pas un instant de la chambre mortuaire. J’avais peur que l’on ne découvrît quelque chose. J’épiais le soupçon sur tous les visages ! mais je n’osais regarder personne en face. Tout m’irritait, les gens entrant à pas de loup, les chuchotements, les cérémonies et les oraisons du vicaire. Au moment voulu, je fermai la bière de mes mains tremblantes, si tremblantes qu’une personne dit à une autre sur un ton de pitié :

— Ce pauvre Procopio ! malgré tout ce qu’il a enduré, il est ému.

Cela me parut une ironie. J’avais hâte d’en finir. Nous sortîmes. Le passage de la mi-obscurité de la maison à la grande clarté de la rue me donna un éblouissement. Je craignis de ne pouvoir cacher plus longtemps mon crime. Je regardais la terre en marchant. Quand tout fut