Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/229

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— C’est vrai ; il l’était…

Ainsi, par une ironie du sort, les biens du colonel allaient passer dans mes mains. J’eus d’abord la pensée de refuser l’héritage. Il me paraissait odieux de recevoir un sou d’un tel legs ; c’était pis que de me faire espion à gage. Je méditai pendant trois jours sur ce thème, mais je me heurtai à cette pensée que mon refus pourrait faire naître des soupçons. Au bout de ces trois jours, je m’arrêtai à un moyen terme. Je recevrais l’héritage, et je le distribuerais peu à peu, en cachette. Ce n’était pas seulement scrupule ; c’était encore un moyen de racheter un crime par un acte de vertu. Il me sembla qu’ainsi mes comptes seraient en règle.

Je fis mes préparatifs, et je partis pour le village. Pendant le voyage, et à mesure que j’approchais, je me rappelais la triste aventure. Les alentours de la bourgade prenaient un aspect tragique, et l’ombre du colonel me semblait surgir de tous côtés. Mon imagination reproduisait les mots, les gestes, la nuit entière du crime.

Crime ou combat ? en réalité, il s’agissait d’une lutte, au cours de laquelle j’avais agi en