Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tions, je rejetais une partie des allégations sur les rivalités locales. J’accordais qu’il était un peu violent. — « Un peu ? vous voulez dire que c’était une bête sauvage », interrompait le barbier ; et tous, le receveur, le pharmacien, le greffier, tous tombaient d’accord sur ce point. Et l’on racontait d’autres anecdotes, l’on épluchait toute l’existence du défunt. Les vieillards se rappelaient ses cruautés d’enfant. Et la satisfaction intime, silencieuse, insidieuse, croissait en moi, sorte de ténia moral qui, à mesure que je l’arrachais anneau par anneau, se refermait aussitôt et s’accrochait en moi.

Les formalités légales me distrayaient ; d’autre part, l’opinion dans le village était si contraire au colonel, que le paysage perdit peu à peu pour moi l’aspect ténébreux que j’y trouvais d’abord. Dès que j’eus reçu l’héritage, je le convertis en numéraire et en titres. Plusieurs mois s’étaient écoulés, et l’idée de le distribuer en aumônes et en donations ne me dominait plus. Je trouvais même que c’eût été de l’affectation. Je limitai mon plan primitif : je distribuai quelque argent entre les pauvres de la ville, je donnai à l’église principale des parements nouveaux,