Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/248

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sieur Camille doit entrer par cette porte… pas comme ça ; vous devez regarder de cette manière…

Droit sur sa chaise, Rangel était stupéfait. D’où arrivait ce cyclone ? qui emportait les chapeaux des hommes, dépeignait les jeunes filles rieuses et satisfaites ? Queiroz par-ci, Queiroz par-là, Queiroz de tous les côtés. Rangel passa de la stupéfaction au mécontentement. Le sceptre lui tombait des mains. Il ne regardait pas l’autre, ne riait pas de ce qu’il disait, et lui répondait sèchement. Intérieurement, il l’envoyait à tous les diables, le traitait de paillasse, qui faisait rire et divertissait, parce que les soirs de divertissement, tout est divertissement. Mais bien qu’il répétât ces invectives et bien d’autres encore, il ne parvenait pas à retrouver sa liberté d’esprit. Il souffrait vraiment, au plus intime de son amour-propre. Le pis est que l’autre se rendit compte de cette agitation, et le comble des combles fut qu’il devina qu’on l’avait deviné.

De même que Rangel imaginait d’heureuses aventures, il improvisait aussi des vengeances. Mentalement, il ne fit de Queiroz qu’une bouchée. Ensuite il imagina un désastre quelconque ; une douleur était suffisante pourvu qu’elle for-