Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/255

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dit-elle, en souriant ; il sourit aussi et accepta. Ils s’assirent côte à côte. Jeannette lui parlait, lui souriait, levait vers lui ses beaux yeux, inquiète, remuant la tête de côté et d’autres. Rangel se sentit mieux, puis tout à fait bien. Il marquait au hasard, oubliant des numéros qu’elle lui indiquait du doigt, un doigt de nymphe, se disait-il ; et il finit par commettre des omissions volontaires, pour voir le doigt de la jeune fille, et l’entendre dire sur un ton de gronderie : « Comme vous êtes distrait ! Si vous continuez, nous allons perdre notre argent… »

Rangel eut l’idée de lui remettre la lettre sous la table ; mais comme il ne lui avait encore fait aucune déclaration, il était naturel qu’elle la reçût avec surprise et compromît tout. Il fallait d’abord l’aviser. Il regarda autour de la table : tous les visages étaient inclinés sur les cartons dans l’attente des numéros. Alors il s’inclina à droite, et baissa ses regards sur les cartons de Jeannette, comme pour vérifier quelque chose.

Vous avez déjà deux lignes pleines, murmura-t-il.