Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/267

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avait pas encore de passé ; tous deux se retrouvaient dans le présent ; les heures s’étaient arrêtées, si instantanées et si fixes qu’elles paraissaient avoir répété la veille pour cette représentation unique et interminable. Toutes les horloges de la ville et du monde avaient brisé discrètement leurs ressorts, et tous les horlogers avaient changé de métier. Adieu, vieux lac de Lamartine ! Évariste et Marianna avaient jeté l’ancre sur l’océan des temps. Et voici venir les paroles les plus douces que prononcèrent jamais lèvres d’homme ou de femme, et les plus ardentes, paroles muettes affolées ou expirantes, mots de jalousie et de pardon.

— Tu vas bien ?

— Bien et toi ?

— Je mourais d’envie de te voir. Il y a une heure que je t’attends, anxieuse, pleurant presque ; mais maintenant, tu vois que je suis contente et souriante, parce que le plus charmant des hommes vient d’entrer dans cette pièce. Pourquoi t’attarder ainsi ?

— J’ai dû m’arrêter deux fois en chemin, et la seconde fois, plus longtemps que la première.

— Si tu m’aimais vraiment, tu ne te serais