Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/299

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retrouvée dans la rue et que je l’avais ramassée, sans crainte ni scrupule.

Je me réveillai de bonne heure. Je m’habillai vivement, avec l’idée d’aller à la recherche de la piécette. Ah ! la belle matinée de mai : le ciel était splendide, le soleil magnifique, l’air tiède, et, par-dessus le marché, ma mère m’avait donné des culottes neuves ; je me rappelle même qu’elles étaient jaunes. Avec tout cela, la pensée de la petite pièce… Je sortis de la maison comme si c’était pour aller prendre possession du trône de Jérusalem. Je hâtai le pas pour que personne n’arrivât avant moi à l’école. Malgré tout, je prenais bien garde à mes culottes ; non qu’elles fussent jolies, mais il me plaisait de les regarder. J’évitais les frottements, les éclaboussures de la rue.

Une compagnie d’infanterie passa, tambour battant. Je ne pouvais assister tranquillement à ce spectacle. Les soldats marchaient rapidement, en cadence, d’un rythme égal : droite, gauche, sous le roulement des baguettes. Ils arrivaient sur moi, ils me croisèrent et continuèrent leur chemin. Je regardai de tous côtés. Enfin, je ne sais comment cela se fit : me voilà à leur suite,