Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/343

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j’écrirai sur cette pierre l’épitaphe d’un Monde, J’appellerai l’aigle et il viendra. Je lui dirai que le dernier homme, en quittant la terre, lui laisse un dieu à dévorer.

Prométhée. — Pauvre ignorant qui refuse un trône. Mais non, tu ne peux le refuser.

Ahasvérus. — C’est toi qui délires à présent. Allons, courbe-toi ; que j’attache tes bras. Voilà qui est fait : tu ne résisteras plus. Tu peux haleter à loisir. Bon ! les jambes, à présent…

Prométhée. — Achève, achève. Les passions terrestres se retournent contre moi. Mais moi, qui ne suis pas un homme, j’ignore l’ingratitude. Tu n’enlèveras pas une seule lettre au mot de ta destinée : elle s’accomplira tout entière. C’est toi qui seras le nouvel Hercule. Et moi, qui prophétisai la gloire de l’autre, j’annoncerai aussi la tienne. Et tu ne seras pas moins généreux que lui.

Ahasvérus. — Folie !…

Prométhée. — La vérité inconnue des hommes est traitée de folie chez les précurseurs. Allons, achève.

Ahasvérus. — La gloire ne paie rien, et elle s’éteint.