Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/344

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Prométhée. — Celle-ci sera immortelle. Achève, achève : montre au bec crochu de l’aigle comment il doit me dévorer les entrailles. Mais écoute… ou plutôt non, n’écoute rien : tu ne peux me comprendre,

Ahasvérus. — Parle, parle.

Prométhée. — Le monde transitoire ne peut entendre le monde éternel. Tu serviras de trait d’union entre les deux.

Ahasvérus. — Poursuis.

Prométhée. — Non. Allons !… serre-moi davantage aux poignets, pour que je ne fuie pas, pour que tu me retrouves encore au retour. Tu veux que je parle ; ne t’ai-je pas dit qu’une race nouvelle peuplera la terre, et qu’elle sera composée de l’élite des esprits de la race éteinte ? La multitude des autres périra. Noble famille ! lucide et forte : elle unira parfaitement le divin et l’humain. Les temps seront autres, mais entre le passé et l’avenir, il faut un chaînon qui les relie ; tu seras ce chaînon.

Ahasvérus. — Moi !

Prométhée. — Toi-même, toi, l’élu, toi, le roi. Le vagabond se reposera ; celui que méprisaient les hommes les gouvernera.