Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/355

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divisée par suite de la différence sexuelle…

— Sexuelle ?

— Oui, Madame, sexuelle. Les mots ont un sexe. Je suis en train d’achever mon grand mémoire psycho-lexico-logique, où j’expose et où je démontre ma découverte. Les paroles ont un sexe.

— Mais alors, elles s’aiment d’amour ?

— Elles s’aiment et elles se marient. Leur mariage, c’est ce que l’on appelle le style. Avouez, Madame, que vous ne comprenez rien à tout cela.

— Je l’avoue.

— Eh bien ! entrez ici dans la tête du chanoine ! Voilà justement que l’on soupire de ce côté. Savez-vous qui soupire ? c’est le substantif de tout à l’heure, que le chanoine a écrit sur le papier, et qui lui a fait tenir la plume en suspens. Il appelle un certain adjectif, qui n’apparaît pas : « Tu viens du Liban, tu viens… » Il parle sur ce ton parce qu’il se trouve dans la tête d’un prêtre. S’il était dans celle de n’importe quelle personne du siècle, son langage serait celui de Roméo : « Juliette et le soleil… Ah ! lève-toi, Soleil !… » Dans un cerveau