Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/51

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et ce fut à cette occasion qu’il lut dans son propre cœur. Il ne pouvait détourner les yeux du billet. Les paroles étaient banales ; mais il y a des banalités sublimes, ou pour le moins délectables. Le vieux fiacre où l’on s’est pour la première fois promené, stores baissés, avec la femme aimée, vaut le char d’Apollon. Tel est l’homme, telles sont les choses qui l’entourent.

Camille voulut sincèrement fuir ; mais déjà il ne pouvait plus. Rita comme un serpent s’approcha de lui, l’enveloppa tout entier, fit craquer ses os dans un spasme, et, goutte à goutte, lui versa le poison dans la bouche. Il en demeura étourdi et subjugué. Embarras, remords, craintes, désirs, il éprouva tout en même temps. Mais la bataille fut courte et la victoire délirante. Adieu, scrupules ! la sandale prit bien vite la forme du pied, et tous deux s’en furent par le grand chemin, les mains jointes, marchant légèrement sur les herbes et les graviers, sans éprouver autre chose que des regrets, quand ils étaient éloignés l’un de l’autre. La confiance et l’estime de Villela demeuraient inaltérables. Un jour, cependant, Camille reçut une lettre anonyme, qui