Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une somnolence lourde et continuelle. Le matin, c’est comme vous voyez : pour qu’il se réveille, il faut lui moudre les os. Attends… demain je t’éveillerai à coups de manche à balai.

Dona Severina le poussa du pied, pour le prier d’en finir. Borges vomit encore quelques outrages, et demeura en paix avec Dieu et avec les hommes.

Je ne dirai pas qu’il demeura en paix avec les enfants, car Ignace n’en était plus un, à tout prendre. Il avait quinze ans accomplis, et pour tout de bon. Il avait une tête inculte, mais belle, des yeux songeurs de jeune homme, qui devine, interroge, veut savoir, à n’en plus finir. Tout cela reposait sur un corps mal vêtu, mais non sans grâce. Le père était barbier dans le Quartier-Neuf, et en avait fait l’agent, le scribe, ou quelque chose d’approchant, du procureur Borges, avec l’espérance de le voir un jour au barreau, parce qu’il lui semblait que les procureurs gagnent largement leur vie. Cela se passait dans la rue da Lapa, en 1870.

Pendant quelques minutes, on n’entendit plus que le tintement des couverts et le bruit des mâ-