Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/89

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choires. Borges s’empiffrait de rosbif et de laitue. Il s’interrompait pour ponctuer sa mastication d’un rouge-bord, et continuait à ruminer en silence.

Ignace mangeait lentement, sans oser lever les regards au-dessus de son assiette, ni les reporter où ils étaient au moment où Borges l’avait pris à partie. Il est vrai que c’eût été dangereux. Jamais il ne regardait les bras de dona Severina, sans oublier tout ce qui se passait autour de lui.

Aussi, c’était sa faute, à elle ! Pourquoi les conservait-elle nus constamment ? Elle usait des manches courtes, sur tous ses vêtements de négligé. À partir d’un palme au-dessous de l’épaule, elle montrait ses bras à découvert. Il est vrai qu’ils étaient beaux et replets, en harmonie avec la dame, qui était plutôt grasse que maigre ; et ils ne perdaient ni leur couleur ni leur moelleux dans leur constante exposition à l’air. Mais il est juste d’ajouter qu’elle ne les montrait point par coquetterie, mais seulement parce qu’elle avait usé tous ses vêtements à manches longues. Debout, elle attirait les regards ; quand elle marchait, elle avait des minauderies gracieuses.