Page:Machado de Assis - Quelques contes.djvu/90

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Quant à lui, il ne la voyait guère qu’à table, où il n’apercevait que son buste. On ne peut dire qu’elle fût jolie ; mais elle n’était pas laide, non plus. Aucun bijou ; sa chevelure était très simplement relevée ; elle lissait ses cheveux, les réunissait, les attachait et les fixait sur le haut de la tête avec un peigne d’écaille qui lui venait de sa mère. Autour du cou, un fichu sombre ; rien aux oreilles. Et elle comptait vingt-sept années, fleuries et solides.

Ils achevèrent de dîner. Borges, en apercevant le café, tira quatre cigares de sa poche, les compara entre eux, les palpa, en choisit un et garda les autres. Il alluma celui qu’il avait réservé ; puis, les coudes sur la table, il parla à dona Severina de trente-six mille choses, qui n’intéressaient en rien le jeune Ignace ; mais, tandis que le procureur causait, il ne lui disait pas de sottises, et le laissait s’extasier tout à son aise.

Ignace s’attarda, tant qu’il put, à prendre son café. Entre deux gorgées, il lissait la nappe, arrachait de ses doigts des pellicules imaginaires, ou passait en revue les tableaux de la salle à manger, qui étaient au nombre de deux, un saint Pierre et un saint Jean, rapportés en sou-