Page:Machaut - Œuvres, éd. Hœpffner, I.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
8 PROLOGUE


52 En douce Plaisance ; et s’on dit
Que li tristes cuers doit mieus faire
Que li joieus, c’est fort a faire,
Ne je ne m’y puis acorder.
56 Car quant Souvenirs recorder
Fait l’amant par douce pensée
La très belle et la bien amée
A qui il est mis et donnez
60 Et ligement abandonnez,
Plaisant ymagination Met en son cuer l’impression
De sa douce plaisant figure
64 Et dous Pensers qui la figure,
Dont son fait cent fois embelist :
Sages est qui tel vie eslist.[1]

Mais quant li tristes ymagine
68 La grant biauté, la douceur fine
De celle qui n’a de li cure,
Dont li venroit envoiseûre,
Que elle aimme un autre que li ?[2]
72 Je ne me tien pas a celi,
Qu’il a tant de dueil et de rage
Que c’est merveille qu’il n’enrage,[3]
Ou qu’il ne se tue ou se pent,
76 Ou que d’amer ne se repent ;
Si qu’il ne porroit nullement
Riens faire si joliement
De sa matière dolereuse[4]
80 Com li joieus de sa joieuse,
Pour ce qu’il n’a riens qui l’esgaie
Ne matière lie ne gaie,[5]
Et s’a désir et povre espoir[6]

  1. eslist omis dans A
  2. A Ou
  3. A merueilles
  4. FDe la m.
  5. A matere
  6. Fet pour cespoir.